Acheter une pharmacie sans se tromper : quelles sont les étapes à respecter ?
Faut-il céder au coup de cœur ? Y a-t-il un moment propice pour s’installer ? Comment acheter une pharmacie au bon prix ? Beaucoup de questions se pressent dans la tête d’un acquéreur d’officine, surtout d’un primo-accédant. Sur un marché dynamique pour les transactions, ne pas se tromper d’affaire relève d’un choix conscient, éclairé par l’expertise de tiers. Du rêve à la réalité, conseils de pros pour placer son projet sous la meilleure étoile.
L’installation continue de séduire bon nombre de pharmaciens, qu’elle résulte d’un choix raisonné d’indépendance, ou d’un pari jugé audacieux par les pairs en exercice. À l’heure où l’économie officinale cherche de nouveaux gisements de marge, moins de la moitié des titulaires actuels choisiraient de s’installer aujourd’hui, révèle un sondage du Quotidien du Pharmacien. Le dynamisme observé sur le marché des transactions officinales dément pourtant ce pessimisme : pas moins de 1 606 opérations (dont 859 mutations de fonds) ont été enregistrées par Interfimo en 2023, soit 8 % de plus que l’année précédente. Et près de six dossiers étudiés sur dix (58 %) concernent de premières installations.
Etape 1 : se sentir prêt(e) à acheter une pharmacie
Quelle que soit la conjoncture, « le bon moment pour s’installer, c’est le moment où on se sent prêt, en fonction des aspirations et du parcours de chacun », souligne d’emblée Stéphanie Caminel, Responsable Régionale Hauts-de-France de Pharmathèque, société de transactions d’officines. « Je conseille aux jeunes de multiplier les expériences pour connaître la diversité des officines et savoir dans quel environnement ils souhaitent travailler », ajoute-t-elle.
« Les pharmaciens ont toujours su et dû s’adapter », corrobore Christophe Beaurain, pharmacien d’officine depuis 30 ans ayant plusieurs reprises d’officine à son actif et membre de la commission GiroBoost, le booster d’apport du groupement Giropharm. Selon lui, le refrain « c’était mieux avant » refait surface à chaque génération. « Je l’entendais déjà quand j’ai commencé mes études en 1986, à une époque où la marge fixe était pourtant à plus de 30% sur les médicaments. » En contrepartie, « celles et ceux qui s’installent aujourd’hui ont des facilitateurs comme les boosters d’apport qui n’ont pas toujours existé ».
Pour s’installer, quelques conditions de bases doivent être remplies : avoir son diplôme de pharmacien, disposer d’une expérience professionnelle d’au moins six mois comme pharmacien adjoint ou remplaçant en officine (ou avoir validé son stage de fin d’études de six mois en officine ou pharmacie hospitalière), être inscrit à l’Ordre, ne pas exercer d’autre profession. Une fois ces cases cochées, rien n’interdit par principe de poser sa croix verte et donc d’acheter une pharmacie, même avec un apport personnel modeste.
Etape 2 : se projeter
Avant de parler potentiel économique et prix d’acquisition, « le candidat repreneur devrait se demander s’il se projette dans cette ville, dans ce quartier, conseille Christophe Beaurain. A-t-il ou elle envie de travailler dans cette officine ? Pourra-t-il l’améliorer et l’agencer selon ses souhaits ? Est-elle compatible avec les savoir-faire qu’il souhaite développer ? Son conjoint ou sa conjointe trouvera-t-il ou elle sa place dans ce nouveau projet de vie ? ».
« Il est important de choisir un lieu qui vous convienne en termes d’amplitude horaire, de concurrence, de patientèle, de missions », confirme Stéphanie Caminel. D’après son expérience, « les candidats ont généralement une idée assez précise de ce qu’ils souhaitent, souvent contrainte par des critères géographiques ». Nouvelles missions ou velléités de croissance oblige, « la configuration des locaux ou la possibilité de les aménager devient un critère de plus en plus important », note-t-elle.
Nouvelles missions du pharmacien : les 3 principaux facilitateurs
Marilyn Fillet, Responsable Régionale chez Mutualpharm et fortement engagée dans le déploiement des nouvelles missions, nous donne sa vision sur les nouvelles missions du pharmacien.
Etape 3 : réaliser un casting
Le coup de cœur est une condition essentielle mais pas suffisante pour acheter une pharmacie. Des critères objectifs d’analyse devront venir confirmer l’intuition. Place au casting ! Le futur outil de travail va subir un examen de passage plus strict encore qu’un candidat de télécrochet. « Mieux vaut rater une bonne officine qu’en prendre une mauvaise » assure Christophe Beaurain. Tout doit passer au crible : les derniers bilans, la marge dégressive lissée, le bail commercial, les feuilles de salaires, les primes, les diplômes, les leasings… Il ne faut rien laisser au hasard. « Le lieu semble peut-être idéal, mais si les médecins du secteur ne seront plus là dans deux ans, ce n’est pas une bonne affaire », illustre le pharmacien. « Idem d’une pharmacie qui a beaucoup misé sur la parapharmacie alors que vous avez plutôt la fibre clinique ». Autre notion à garder en tête : la taille ne fait pas tout, une petite pharmacie bien placée et apte à se développer pouvant valoir mieux qu’une grande.
Un choix difficile ? Heureusement, le pharmacien n’est pas seul face à son destin. Être bien entouré contribue même fortement au à la réussite d’un projet d’acquisition. « Je recommande de faire appel d’une part à l’expertise d’un expert-comptable, d’autre part à celle d’un avocat », confie Christophe Beaurain. L’enjeu est de couvrir tant les aspects économiques que sociaux, mais aussi de déterminer la forme juridique que prendra la société (holding ? SEL ? SARL, EURL, SAS ou SNC ?).
Sur le plan strictement financier, les mutations récentes de l’économie officinale (dont la montée en puissance des produits chers à marge faible) impliquent une évaluation composite. « Le chiffre d’affaires en lui-même n’est plus significatif, il faut également considérer l’excédent brut d’exploitation (EBE) et la marge », explique Stéphanie Caminel. L’acquéreur potentiel cherchera à obtenir une photographie dynamique de l’officine, de son activité et de sa rentabilité : prévisionnel sur au moins 5 ans, évolution de la marge, de la fréquentation, des charges, de la masse salariale, de l’environnement médical et concurrentiel, projets d’aménagement du quartier… Une étude de chalandise, voire une prestation de « client mystère » peuvent être commandées à une société de services pour sonder le terrain et comprendre les points faibles et forts d’une officine.
Étape 4 : acheter une pharmacie au bon prix
C’est décidé, l’officine vous plaît, elle est prometteuse et adaptée à votre projet. Comment l’acheter au juste prix ? L’expert-comptable pourra fournir une estimation basée sur des multiples de marge brute ou d’EBE. « Mais il faut tenir compte de l’offre et de la demande, fait remarquer Christophe Beaurain. Même l’on me conseille de racheter à 2,6, il se peut que je fasse une offre à 3 fois la marge brute si le bien est très demandé, si je le veux vraiment et me sens capable de le développer ».
Mais comment réunir la somme nécessaire ? L’apport personnel du pharmacien représente en moyenne de l’ordre de 15 à 20 % du montant de l’acquisition. Plusieurs dispositifs peuvent venir abonder cette première mise : prêt familial, prêt bancaire, aide de pharmaciens investisseurs ou boosters d’apport. Une société comme Pharmathèque aide l’acquéreur à choisir les partenaires et les véhicules financiers adéquats. À titre d’exemple, un groupement comme Giropharm propose, via sa solution de financement GiroBoost, des apports pouvant aller de 50 000 à 500 000 euros selon les projets. La solvabilité de l’acheteur n’est pas le seul critère : des pharmaciens chevronnés étudient chaque dossier, évaluent la motivation du titulaire ou des co-titulaires, la solidité du projet professionnel et sa compatibilité avec les valeurs du groupement. Un vrai rôle de mentor. À chaque candidat de se tourner vers le groupement qui correspond le mieux à sa vision du métier.
Un message d’optimisme
Enfin, « le système informatique est un élément essentiel du fonctionnement de l’officine, à ne pas négliger », rappelle Stéphanie Caminel. Elle appelle à rencontrer les prestataires, s’assurer de leur réactivité, des certifications et des outils de pilotage de l’officine intégrés aux solutions proposées. Plus généralement, elle se montre optimiste pour l’avenir des installations, tout comme Christophe Beaurain. Tous deux sont convaincus des capacités d’adaptation et de discernement de leurs confrères et consœurs candidats à l’achat. En synthèse, nos experts recommandent aux futurs titulaires d’être vigilants sur le choix de leur pharmacie, de travailler sur un prévisionnel réaliste et de bien s’entourer pour que l’installation soit un succès.