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Vignette interview Marilyn Fillet

Nouvelles missions du pharmacien : les principaux facilitateurs

LECTURE : 9 min

En seulement dix ans, le métier de pharmacien d’officine a pris une nouvelle dimension. La croix verte n’est plus seulement synonyme de dispensation de médicaments mais d’une variété de missions, allant de l’entretien pharmaceutique pour les patients sous AVK, lancé en 2013, jusqu’à la prescription de vaccins dès la rentrée de septembre 2023. L’expertise officinale en ressort valorisée mais « une nouvelle organisation est à trouver », selon Marilyn Fillet, responsable régionale de Mutualpharm. Elle accompagne les adhérents de ce réseau, implanté en Auvergne-Rhône-Alpes, dans le développement de leurs compétences et de leurs services, en s’appuyant sur l’exercice coordonné, le numérique et la formation. Zoom sur ces trois principaux leviers des nouvelles missions du pharmacien. 

Seulement un peu plus de la moitié des patients poussent aujourd’hui la porte d’une officine pour une dispensation de produits sur ordonnance, contre plus de huit sur dix en 2018, révélait une enquête menée par Pharma Système Qualité en 2022. Les habitudes de vaccination et de dépistage prises pendant la pandémie y sont pour quelque chose. Mais c’est, bien plus qu’un épisode, un « changement d’ère » estime Marilyn Fillet. Son rôle : aider les 71 adhérents du réseau Mutualpharm à prendre en marche le train des nouvelles missions du pharmacien. Ce train est déjà bien lancé, car « la majorité des pharmaciens apprécient d’apporter de nouveaux services à leurs patientèles. C’est une avancée majeure pour leur métier et une valorisation du diplôme ». Cette approche plus clinique est de nature à séduire les jeunes recrues. L’extension du périmètre officinal contribue également à fidéliser ou élargir la patientèle. Elle coïncide enfin avec la recherche de nouvelles sources de rentabilité, alors que disparaissent les missions « Covid » et que pèsent l’inflation et la hausse des charges.

Marilyn Fillet
Marilyn Fillet, Responsable régionale chez Mutualpharm

Une montée en puissance progressive

« La philosophie de notre groupement consiste à former les équipes officinales au fur à mesure des nouvelles missions et à leur permettre de se les approprier, en distinguant l’urgent de ce qui peut attendre », témoigne Marilyn Fillet. Parmi les missions incontournables, elle cite la vaccination, l’entretien pour les femmes enceintes, le dépistage du cancer colorectal et le Trod angine. « Ces missions courtes sont appréciées des pharmaciens car les procédures sont simples et claires », commente-t-elle.

Dès le printemps 2023, plus de deux tiers (68 %) des pharmacies effectuaient la remise du kit de dépistage du cancer colorectal et 11% avaient réalisé au moins un entretien court pour les femmes enceintes. Autre fait significatif : la moitié des Français vaccinés contre la grippe en 2022-2023 l’ont été en pharmacie, contre un quart en 2019 ! Par ailleurs, 78% des pharmacies ont déjà administré au moins un vaccin de rappel (DT Polio, coqueluche, etc.). Cette mission semble promise à un bel avenir avec la publication du décret du 8 août 2023 autorisant les pharmaciens à prescrire et administrer l’ensemble des vaccins prévus dans le calendrier des vaccinations en vigueur aux personnes âgées de 11 ans et plus (à l’exception des vaccins vivants atténués chez les personnes immunodéprimées). Une fois ce bilan posé, quelles sont les solutions pour faciliter les nouvelles missions du pharmacien ?

L’exercice coordonné : un accélérateur

D’autres missions, plus chronophages, se développent plus timidement, à l’instar du bilan partagé de médication et des entretiens pour les patients asthmatiques, sous AVK ou sous chimiothérapie orale. Marilyn Fillet reconnaît la complexité de leur facturation et attend de la Sécurité sociale une action sur ce point. Elle note toutefois : « Ceux qui s’y essaient ont souvent de bonnes surprises et les patients sont enchantés ». Elle prédit l’accélération des entretiens pharmaceutiques dans les années à venir grâce à l’exercice coordonné. Dans un contexte où plus de 6 millions de Français(es) n’ont pas de médecin traitant, déléguer au pharmacien l’accompagnement de patients chroniques et polymédiqués prend tout son sens. Déjà, des officinaux sont sollicités par des prescripteurs pour réaliser des bilans de médication. De là, d’autres missions peuvent découler comme les protocoles de coopération pour les soins non programmés (cystite, angine, rhinite allergique et varicelle), accessibles aux pharmaciens dans le cadre d’un exercice coordonné.

Pharmacienne vaccinant une patiente dans sa pharmacie

Au sein de Mutualpharm, Marilyn Fillet organise des réunions d’information sur la coopération interprofessionnelle et fédère des partenaires pour simplifier le montage de structures : Équipes de soins primaires (ESP), Maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) ou Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). « Avant toute chose, j’invite les pharmaciens à dialoguer avec les médecins de leur territoire pour connaître leurs besoins. Établir la confiance, c’est la base. Je dis aux pharmaciens : n’ayez pas peur de montrer vos compétences, les spécialistes du médicament, c’est vous ! ».

Le numérique en renfort

Autre allié des nouvelles missions du pharmacien : le partage de données entre professionnels de santé et avec les patients. C’est le Ségur du numérique en santé qui donne le « la », par la démocratisation d’outils tels que les messageries sécurisées de santé, les notes de vaccination, l’identité nationale de santé (INS) et l’ordonnance numérique. « Les nouvelles missions ne pourront pas se développer sans les logiciels de gestion d’officine (LGO) intégrant les différentes fonctionnalités Ségur », souligne Marilyn Fillet. Le déploiement sur le terrain a commencé et se fait progressivement, permettant aux pharmaciens d’utiliser ces fonctionnalités Ségur. La vague 2 du Ségur, courant 2024, viendra faciliter davantage la tâche aux pharmaciens puisqu’il leur sera possible de consulter le Dossier Médical du patient à même leur LGO. Marilyn Fillet encourage cependant les éditeurs à aller plus loin en intégrant directement aux LGO des trames et guides pour les entretiens, les bilans de médication ou encore les protocoles de dispensation. « Idéalement, des notifications automatiques devraient aussi renseigner le pharmacien sur les rappels de vaccins pour chaque patient, les mammographies, frottis et autres examens ».

Marilyn Fillet

« Les nouvelles missions ne pourront pas se développer sans les logiciels de gestion d’officine (LGO) intégrant les différentes fonctionnalités Ségur »

Marilyn Fillet

Sans oublier la formation

L’appropriation des nouvelles missions du pharmacien passe enfin par la formation continue. Les groupements comme Mutualpharm incitent leurs adhérents à se former à l’ensemble des vaccinations autorisées. Le réseau organise aussi des sessions de formation aux gestes et soins d’urgence (AFGSU2) : une mise à jour obligatoire tous les quatre ans pour les pharmaciens et les préparateurs, d’autant plus importante à l’heure où les actes de soins prodigués à l’officine se multiplient, entraînant pour l’équipe officinale une probabilité plus élevée d’être confrontée à des malaises de patients à gérer. L’ampleur des formations peut constituer un challenge, surtout lorsque les médecins manquent de temps pour les délivrer : 4 heures sont nécessaires pour le protocole cystite, 5 heures pour la rhinite allergique, 10 heures pour la varicelle comme pour l’angine. Pour y remédier, Marilyn Fillet encourage les organismes de formation à développer le e-learning, désormais autorisé pour la cystite et la rhinite allergique. Cette problématique l’illustre bien : les nouvelles missions n’engagent pas que les pharmaciens mais tout l’écosystème des soins de ville.

« Cette révolution doit être attractive pour tous les corps de métier », résume Marilyn Fillet. Illustrant son propos, elle suggère de revaloriser les consultations médicales pour les cas complexes des patients en affection de longue durée (ALD) et des personnes âgées, tout en déléguant aux pharmaciens et aux paramédicaux davantage d’interventions relevant de la santé du quotidien. Les dernières propositions de l’Assurance Maladie, dans son Rapport Charges et Produits pour 2024, laissent d’ailleurs entrevoir la possibilité de nouvelles missions à venir pour les pharmaciens. Elle y propose par exemple d’autoriser les pharmaciens dûment formés à prescrire des antibiotiques en cas de cystite aiguë simple et d’angine bactérienne, ou encore de créer un accompagnement pharmaceutique des patients sous opioïdes, sur le modèle de celui créé pour les femmes enceintes.

Mais sans attendre les missions de demain, les pharmaciens ont déjà tout intérêt à se former aux missions d’aujourd’hui et gagner en polyvalence. Quitte parfois à se spécialiser, en oncologie, dans le maintien à domicile ou autre, selon les priorités de chacun et les spécificités de sa patientèle. « Chacun va à son rythme, l’essentiel est que tout le monde avance ».

Logo Mutualpharm

Interview réalisé le 26 juin 2023. Lien vers le site internet Mutualpharm.

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